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Avec Les Fleurs du Mal, Baudelaire annonce quelques-uns des traits
les plus marquants de la poésie moderne. Ses vers y respectent
sans doute les règles les plus strictes de la prosodie classique,
mais l'audace des figures de style, la précision dans l'analyse
des mouvements de l'âme, un goût certain pour la provocation,
tout cela mène à Rimbaud puis, avec lui et avec quelques
autres artistes comme Lautréamont et Mallarmé, à
l'art poétique de notre temps.
Rappelons-le, Les Fleurs du Mal constitue l'unique recueil de
vers composé par Baudelaire. Dès 1845, le poète annonçait
la publication d'un livre qui devait s'appeler Les Lesbiennes.
En 1848, Baudelaire se mit à préférer un autre nom
pour son oeuvre, Les Limbes. À l'époque, il imaginait
que ses poèmes devaient évoquer les sept péchés
capitaux, péchés au-dessus desquels trônerait le mal
suprême, l'Ennui. Ce n'est qu'en 1857 que Baudelaire publia son
recueil sous son titre définitif, Les Fleurs du Mal. Une
seconde édition suivit en 1861 et c'est celle-là qui est
reproduite sur ce site.
Les Fleurs du Mal est un titre particulièrement heureux.
Il renvoie à la beauté en germe dans la perversité,
mais aussi à celle que recèle la souffrance physique ou
morale dont on peut être la victime. Cette beauté, des poètes
romantiques comme Byron s'étaient déjà chargés
de la révéler; en ce sens, Baudelaire s'inscrit dans une
tradition qui avait fait de Satan le plus splendide des anges. Mais le
titre rappelle aussi que la fleur d'un objet en désigne l'essence;
et, de fait, Baudelaire a décrit, dans son recueil, à la
fois la cause première du mal, c'est-à-dire l'Ennui, et
ses effets les plus pervers.
Mais on aurait tort de ramener le livre de Baudelaire à l'unique
thème du mal. La palette de l'artiste est évidemment plus
variée que cela: l'exaltation la plus vive (Élévation),
l'évocation de la pureté spirituelle, l'éblouissement
devant la beauté et même le caractère anodin de certains
poèmes comme La Pipe font des Fleurs
du mal l'une des créations les plus variées de l'histoire
de la poésie.
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